Chaque année, au cœur du Moussem Moulay Abdellah Amghar, la terre vibre sous les sabots, la poussière s’élève, et les cœurs se suspendent à une seule seconde : celle de la détonation parfaite. Plus qu’une simple démonstration équestre, la Tbourida est un art codifié, enraciné dans les traditions guerrières marocaines. Elle incarne l’honneur tribal, la discipline collective et la mémoire des anciens. Chaque sorba, troupe de cavaliers, exécute avec une précision millimétrée une chorégraphie de puissance : départ en ligne, course synchronisée, puis tir simultané de fusils artisanaux. L’erreur n’est pas permise. L’unisson est un devoir.
Les cavaliers portent des tenues blanches éclatantes, montent des chevaux décorés d’ornements brodés, et suivent les ordres du moqaddem, leur chef. Leurs gestes sont lents, maîtrisés, presque sacrés. Chaque démonstration est le fruit de mois d’entraînement, de respect du cheval, de préparation du fusil. À travers la Tbourida, c’est une partie de l’âme du Maroc rural qui s’exprime : celle d’une transmission orale, gestuelle, intergénérationnelle. Elle relie les jeunes aux anciens, les régions aux tribus, les vivants aux disparus.
Classée au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, la Tbourida connaît aujourd’hui un nouvel élan, soutenue par les institutions tout en restant profondément populaire. Au Moussem, elle ne se contente pas d’impressionner : elle émeut. Car derrière la poussière et le fracas, il y a la fierté d’un peuple qui continue de galoper aux rythmes de ses racines